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2020- 2

spécial construction

à propos :

Le philosophe Jacques Derrida (1930-2004) est réputé pour avoir inventé (même s’il s’agit d’une contrevérité, il n’en a que systématisé l’usage) le terme de « déconstruction », générant le « déconstructionnisme », une “pratique philosophique” assez obscure d’analyse de texte qui vise, “à déceler les confusions de sens, en reconstruisant la structure du document ou de l’argument, pour rechercher les postulats sous-entendus et les omissions qui les gouvernent…”
Restez avec nous, ne fermez pas nos pages. On vous assure qu’elles ne changent pas et ne se sont pas transformées en cours rébarbatif de philosophie analytique ou continentale, abordant l’étude de concepts presque “cabalistiques”.
Non, juste une anecdote.
C’était, il y a peu de temps, dans une brasserie. A la table, l’un des membres de beldev aborde le thème d’une prochaine livraison de nos « pages » mensuelles. Il propose un « spécial construction ». Tous acquiescent.
Arrive à cet instant un homme d’un certain âge, élégamment vêtu, veste à carreaux et nœud papillon. Il se plante devant nous et nous dit : « Mr Derrida est un escroc. Il camoufle son incompétence philosophique par un jargon inintelligible qui lui permet d’être magnifié aux États-Unis ».
Nous lui précisons, très gentiment, qu’il n’a pas bien entendu. Il s’agissait non pas de « déconstruction » mais de « construction ». Et plus précisément, pour nous avocats, de droit de la construction.
Il reste pensif et nous répond : « Ah, vous n’êtes pas des philosophes ? Et un « droit de la construction existe ? Mais pourquoi ? »
Personne n’a pu avoir la répartie immédiate.
L’un de nous a failli lui répondre (il nous l’a dit, un peu honteux par la suite) : « le droit, Monsieur, se construit ».
Il aurait du tenir le propos. En effet, ce serait une excellente idée d’écrire une histoire de la construction du droit de la construction, depuis les huttes jusqu’aux immeubles de grande hauteur. Presque une histoire des civilisations.
En l’état, un petit panorama des dernières décisions en la matière suffira pour nos « pages ».
Bonne lecture !

recours entre constructeurs et prescription

UN ARRET IMPORTANT DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE PRESCRIPTION DANS LE CHAMP DU DROIT DE LA CONSTRUCTION.
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25.915

On rappelle ici les dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil
En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux“.

La question posée à la Cour était celle de la prescription dans le cas du recours d’un constructeur à l’encontre un autre constructeur, lui-même assigné par le maitre d’ouvrage. Prescription décennale ?
Non. Elle relève des dispositions de l’article 2224 du code civil et se prescrit par 5 ans.
Il s’agissait de statuer à la suite de l’action en garantie décennale, engagée à l’encontre d’un maître d’œuvre pour des dommages de nature décennale, après réception. Le constructeur appelle en garantie l’entrepreneur et son assureur.
Les juges du fond retiennent l’application du nouvel article 1792-4-3.
la Cour de cassation censure la décision : Le délai de prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil, mais de l’article 2224 du Code Civil (la prescription de droit commun quinquennale) .
L’article 1792-4-3, créé par la loi du 17 juin 2008 est inséré dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie. Il ne concerne que les actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants. Aussi, le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève-t-il des dispositions de l’article 2224 du code civil et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cet arrêt est important. C’est la première fois qu’est appliqué l’article 1792-4-3 du code civil aux actions récursoires entre constructeurs. La Cour de cassation retient, à ces actions entre constructeurs, l’application de la prescription de droit commun (C. civ., art. 2224), en maintenant, au demeurant sa jurisprudence antérieure à la loi du 17 juin 2008 (le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n’est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi délictuelle s’ils ne le sont pas, de sorte que le point de départ du délai de cette action n’est pas la date de réception des ouvrages) .

fissures non infiltrantes, destination commerciale et impropriété à la destination

Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-19.353, n° 784 D

Des fissures non infiltrantes ne sont pas de nature à permettre la mise en jeu de la garantie décennale, en l’absence d’impropriété à la destination.
C’est ce qu’a décidé l’arrêt précitée la Cour de Cassation.
Un hôtel, après sa construction et sa réception est affecté, en façade, de fissures. Le sinistre est déclaré à l’assureur dommages-ouvrage lequel refuse sa garantie pour les fissures qu’il juge esthétiques. Pas de nature décennale, affirme t-il.
Assignation de l’assureur et procédure jusqu’à la Cour de Cassation qui approuve les premiers juges, en considérant que “les fissures non infiltrantes, les décollements de peinture et la dégradation du ragréage n’affectaient ni l’étanchéité ni la solidité de l’immeuble et que, si l’état extérieur de celui-ci portait atteinte à l’image de l’hôtel, il ne le rendait pas impropre à sa destination en l’absence de toute menace pour la classification de l’hôtel, de caractère particulier de l’immeuble ou de protection du site dans lequel il était implanté, la cour d’appel en a souverainement déduit que les désordres hors fissures infiltrantes n’étaient pas de nature à permettre la mise en jeu de la garantie décennale

Cette relation entre l’impropriété à la destination et la destination commerciale (image de marque de l’hôtel altérée, selon le maitre d’ouvrage, au regard de la classification) n’a donc pas été retenue. C’est l’intérêt de cet arrêt.

construction, troubles de voisinage, encore la prescription

Construction et trouble anormal de voisinage : quelle est la prescription applicable ?

Arrêt Cass 3ème Civ 16/01/2020, 16-24352

L’action en responsabilité fondée sur un trouble de voisinage (civile extra-contractuelle) est soumise à la prescription de 10 ans, réduite à 5 ans depuis la loi du 17 juin 2008.
Un voisin se plaint de désordres liés à une opération de construction.. Après expertise, il sollicite, pour l’indemnisation de ses dommages, la condamnation du maître de l’ouvrage sur le fondement de la responsabilité pour troubles excédants les inconvénients normaux de voisinage.
Son action est déclarée irrecevable, comme prescrite, par application de l’article 2224 du code civil (prescription de droit commun).
Décision approuvée par la Cour de cassation qui rappelle que l’action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à une prescription de 10 ans en application de l’ancien article 2270-1 du code civil, réduite à cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
Et pas d’application de la prescription en matière de droit réel (trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, selon l’article 2227 du code civil).

La deuxième chambre civile avait rendu un arrêt du même type le 13 septembre 2018, en précisant que : « l’action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle et qu’une telle action était soumise à la prescription de dix années aux termes de l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réduit à cinq ans le délai désormais prévu par l’article 2224 du code civil. »

rc décennale, assurance obligatoire et dommages immatériels

Arrêt Cass. 3e civ., 5 déc. 2019, n° 18-20181

L’assurance obligatoire de responsabilité décennale ne s’étend pas aux préjudices immatériels. Cette garantie du constructeur se limite au paiement des travaux de réparation de l’ouvrage mais n’inclut pas, sauf souscription complémentaire, la perte des loyers qui constitue un dommage immatériel.
L’assureur, assigné pour le voir condamné à cette perte avait fait valoir que sa garantie était limitée aux dommages matériels.
La Cour de cassation fait droit à son argumentation.
En indiquant, pour casser une décision “ En statuant ainsi, alors que l’assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a contribué, ne s’étend pas, sauf stipulations contraires, non invoquées en l’espèce, aux dommages immatériels, la cour d’appel a violé les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances“.
Ainsi, il faut le rappeler, l’obligation d’assurance de RC décennale ne concerne qu’exclusivement le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a contribué. Et non les dommages immatériels ou corporels consécutifs aux dommages affectant l’ouvrage après réception de nature décennale.
Certes, au titre de la garantie décennale, le constructeur est tenu de prendre en charge la réparation des dommages matériels et immatériels consécutifs aux désordres relevant de l’article 1792 du code civil. Cependant, s’agissant de l’assurance obligatoire de responsabilité décennale, elle ne s’étend pas aux dommages immatériels. Ce qui est d’ailleurs, également le cas pour ce qui concerne l’obligation d’assurance de dommages-ouvrage.
D’où la nécessité d’une garantie facultative complémentaire relative aux dommages immatériels.

éléments d’équipement, impropriété d’ensemble à la destination et RC décennale

Arrêt Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-18318

La garantie décennale s’applique pour des éléments d’équipement d’un ouvrage dès lors que les désordres affectant une installation de ventilation peuvent rendre l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination,
Un maître d’ouvrage fait construire une maison d’habitation. Après réception, l’on constate des dysfonctionnements de l’installation de ventilation.
Assignation du constructeur pour le coût de reprise des désordres.
Les juges du fond considèrent que cette installation ne peut pas être regardée comme constituant un élément d’équipement au titre de l’alinéa 1 de l’article 1792-2 du code civil et rejettent l’application de la garantie décennale.
L’arrêt est cassé : la cour d’appel aurait dû rechercher, comme il le lui était demandé, si les désordres affectant l’installation de ventilation ne rendaient pas l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.

Cette décision rappelle un principe : la garantie décennale s’applique aux désordres affectant les éléments d’équipement d’un ouvrage, qu’ils soient dissociables ou non, dès lors que ces désordres rendent l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.
La jurisprudence est constante lorsqu’elle rappelle que les éléments d’équipement installés dans un ouvrage existant, les désordres affectant les éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination (Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-17.323, n° 897 P + B + R + I).

décennale, forclusion, prescription, expertise

Arrêt Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-15833

La suspension de la prescription résultant de la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale.
la Cour de cassation au visa des articles 2239 et 2241 du code civil qu’il ne faut pas confondre prescription et forclusion.
Pour condamner l’assureur de responsabilité décennale au paiement de différentes sommes à un syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires (les acquéreurs), l’arrêt de la Cour d’appel avait retenu que, si leur action contre l’assureur du constructeur devait être exercée avant le 17 juillet 2013, elle n’était pas prescrite à la date de l’assignation au fond de la société d’assurance, le délai de prescription ayant été suspendu entre la date de l’ordonnance de référé étendant l’expertise judiciaire à la société d’assurance et la fin du délai de six mois suivant le dépôt du rapport d’expertise. En statuant ainsi, alors que, pour être interruptive de prescription, une demande en justice doit être dirigée contre celui qu’on veut empêcher de prescrire et que la suspension de la prescription résultant de la mise en œuvre d’une mesure d’instruction n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Outre la relativité du bénéfice de l’interruption de la prescription (une demande en justice doit être dirigée contre celui qu’on veut empêcher de prescrire).
il faut donc opérer la distinction précitée : le délai de forclusion de l’article 1792-4-1 du code civil, navait pas été suspendu, par application de l’article 2239 du même code, pendant la durée de l’expertise judiciaire.
Reste un débat did-fficile sur lequel l’on reviendra : l’assignation en référé expertise de 2010, qui ne vise qu’une demande d’expertise, peut-il être considérée comme une « demande en justice » (c’est-à-dire une demande en condamnation pécuniaire), interrompant la prescription décennale, au sens de l’article 2241 du code civil ?
En l’état, l’on s’en tient à la distinction.

la dure responsabilité de l’architecte

Soit un architecte exclusivement chargé de l’établissement et du dépôt de la demande de permis de construire.
Quelle est l’étendue de sa responsabilité ?
La Cour de Cassation (Cass. 3e civ., 21 nov. 2019, no 16-23509) considère que malgré cette mission restreinte, il reste débiteur, dans le cadre de la RC décennale, d’une obligation de conseil.
Il s’agissait en l’espèce de la contruction d’un garage sur un terrain, dont le maitre d’ouvrage avait réalisé lui-même le remblai. Il charge l’architecte des formalité du permis de construire, les travaux et leur maitrise d’ouvre étant confiés à différents intervenants.
Le maitre d’ouvrage se plaint d’un soulèvement du sol et des fissures sur le dallage et assigne architecte et intervenants à l’acte de construire en réparation des désordres.

La Cour d’appel retient la responsabilité décennale de l’architecte et condamné in solidum le maître d’œuvre et l’auteur de l’étude des fondations de l’immeuble.
L’architecte se pourvoit en cassation pour reprocher à l’arrêt de n’avoir pas apprécié sa responsabilité dans les limites restreintes de sa mission, juste le permis de construire. Les désordres trouvant leur source dans la présence d’un remblai posé personnellement par le maître d’ouvrage, postérieurement au dépôt du dossier de permis de construire, et donc à l’achèvement de sa mission, ne pouvaient, à l’évidence le concerner.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation qui retient que le remblai avait été posé avant l’intervention de l’architecte; que, dès lors, Ainsi, l’architecte aurait du , pour le permis de construire, «proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol».

L’architecte engage sa responsabilité décennale, quand bien même la pose d’un mauvais remblai est la cause exclusive des désordres compromettant la solidité de l’ouvrage.

Sévérité certes. Mais l’on sait que la professionnalisé est source de toutes demandes, notamment dans le sacro-saint “devoir de conseil”, sur lequel les avis négatifs déferlent, à longueur de commentaires, mais qui restent lettre morte. Un juste milieu dans la modération devrait pouvoir être trouvé….

Elément d’équipement, origine du dommage et RC décennale

ARRET CASSATION , 3ème Ch Civ, 13 février 2020 (19-10249)

Responsabilité décennale : Origine du dommage, élément d’équipement “NON DESTINE A FONCTIONNER”

Soit des travaux d’’enduit de façades confiés à un professionnel..

Des fissures apparaissent. Expertise judiciaire et assignation au fond de l’Entreprise par le maitre d’ouvrage.

1792 Code Civil. Débat dur l’impropriété à la destination…

S’agit-il, pour autant d’un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors que les désordres n’atteignent pas cette fonction ?

En effet, ici, les désordres ont affecté un enduit monocouche d’imperméabilisation et de décoration des parois verticales n’assurant aucune fonction d’étanchéité particulière.

La cour d’appel accueille les demandes, en considérant que l’enduit mal posé a une fonction d’imperméabilisation et constitue ainsi un élément d’équipement. entrainant la garantie décennale : le désordre trouvant son origine dans cet élément d’équipement et a pour effet de rendre l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination.

On sait que l’ enduit de façade constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (Cass. 3e civ., 4 avr. 2013, n° 11-25198).

Mais, justement, ici cette fonction n’est pas altérée par les désordres et l’arrêt est cassé dans les termes suivants :

Vu l’article 1792 du code civil

4. Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

5. En application de ce texte, un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu’il a une fonction d’étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi n° 11-25.198, Bull. 2013, III, n° 45), ne constitue pas un élément d’équipement, même s’il a une fonction d’imperméabilisation, dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner.

6. Pour accueillir les demandes, l’arrêt retient que l’enduit litigieux, auquel sa composition confère un rôle d’imperméabilisation, constitue un élément d’équipement et est susceptible d’ouvrir droit à garantie décennale si le désordre trouvant son siège dans cet élément d’équipement a pour effet de rendre l’ouvrage, en son entier, impropre à sa destination, le caractère dissociable ou indissociable de l’élément d’équipement important peu à cet égard

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

Que sont les règles de l’art ?

Arrêt : Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, no 18-19616

Les clauses d’exclusion de garantie pour non-respect des règles de l’art doivent définir précisément ce que sont les règles de l’art !
.
Un assuré, spécialiste des charpentes métalliques a pu faire valoir, avec succès devant les juridictions, la non-validité de la clause d’exclusion de garantie sanctionnant les manquements aux règles de l’art, s’il démontre que son contrat d’assurance ne définit pas ces règles de l’art.

Cette clause est classique dans les contrats d’assurance de responsabilité.

La question qui se pose toujours est celle de savoir si elle est « formelle et limitée » (C. assur., art. L. 113-1) afin que l’étendue de l’exclusion soit « nette, précise, sans incertitude » (Cass. 1re civ., 8 oct 1974, n° 73-12499) de façon à permettre à l’assuré de « connaître exactement l’étendue de sa garantie » (Cass. 2e civ., 18 janv. 2006, n° 04-17872). Pour satisfaire l’ensemble de ces exigences, « la clause d’exclusion doit se référer à des faits, circonstance, obligation définis avec précision » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n° 99-15808)

Ainsi, dans les contrats d’assurance de responsabilité des constructeurs, cette fameuse clause qui formule une exclusion de garantie pour l’exécution de travaux non conformes aux règles de l’art n’est valable que si les modalités de ces règles sont décrites avec précision (Cass. 1re civ., 7 févr. 1990, n° 88-18012), les juges exigeant bien souvent un référentiel technique (Cass. 1re civ., 10 déc. 1996, n° 94-21477).

Ce qui, selon beaucoup, est assez difficile. Sauf à transformer le contrat d’assurance en précis de de construction et de normes…Mais il peut être possible pour les assureurs construction d’annexer les avis techniques relatifs à la profession dont le membre s’assure.

La clause était la suivante : « les dommages causés par une méconnaissance intentionnelle, délibérée ou inexcusable des règles de l’art et normes techniques applicables dans le secteur d’activité de l’assuré ».

Claire et précise selon la Cour d’Appel, non formelle et non limitée selon la Cour de Cassation dans l’arrêt précité.

dommages ouvrage et sanctions de l’assureur

Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, no 18-11103

Viole l’article L. 242-1 du Code des assurances l’arrêt qui, pour condamner l’assureur à payer au maître d’ouvrage/propriétaire d’une maison individuelle réalisée dans le cadre de l’exécution d’un contrat spécifique de construction de maisons individuelles, une certaine somme au titre des préjudices immatériels et à garantir le garant de livraison à hauteur de ladite somme, retient que les dommages immatériels peuvent être mis à la charge de l’assureur dommages ouvrage s’ils découlent d’une faute de celui-ci, notamment à défaut d’offre d’indemnisation de nature à mettre fin aux désordres et qu’en l’espèce l’assureur ne justifie pas avoir proposé une indemnité destinée au paiement des travaux de réparation des dommages, alors que l’article L. 242-1 du Code des assurances fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l’assureur dommages ouvrage à ses obligations.

Cet arrêt rappelle un principe de base : le caractère limitatif et exclusif des sanctions édictées par l’alinéa 5 de l’article L. 242-1 du Code des assurances. Soit le strict coût des dépenses nécessaires à la réparation des dommages matériels affectant l’ouvrage assuré, indemnité majorée d’un intérêt égal au double du taux légal.

  1. Le caractère limitatif des sanctions édictées par l’alinéa 5 de l’article L. 242-1 du Code des assurances est clair. Il n’est pas inutile de citer le texte dans son entier :

Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Toutefois, l’obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s’applique ni aux personnes morales de droit public, ni aux personnes morales assurant la maîtrise d’ouvrage dans le cadre d’un contrat de partenariat conclu en application de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ni aux personnes morales exerçant une activité dont l’importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l’habitation.

L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze jours

Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages.L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.

Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée.

Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’acceptation expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.

*L’assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l’article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque *:

Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ;

Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l’entrepreneur n’a pas exécuté ses obligations.

Toute entreprise d’assurance agréée dans les conditions fixées par l’article L. 321-1, même si elle ne gère pas les risques régis par les articles L. 241-1 et L. 241-2 ci-dessus, est habilitée à prendre en charge les risques prévus au présent article.

Ainsi; les sanctions ont bien un caractère limitatif et ne peuvent donc être étendues/appliquées à d’autres fins que la réparation des dommages matériels ressortissant de l’assurance obligatoire.

Et l’assurance facultative des dommages immatériels n’est pas concernée par les sanctions précitées.

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54, rue de Prony
75017 Paris
+33 (0) 147633059
avocats@beldev.eu
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février 2020

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